Audit portant sur l’impact de la réorganisation territoriale

Le programme gouvernemental 2018-2023 prévoit que « L’IGP pourra étudier la mise en place de la réforme de la police et ses retombées concrètes pour le citoyen ». Dans ce contexte, l’Inspection générale de la police a été chargée d’une mission d’audit portant sur l’impact de la réorganisation territoriale survenue à la suite de l’entrée en vigueur de la loi modifiée du 18 juillet 2018 sur la Police grand-ducale.

L’objectif poursuivi par cette mission était de déterminer dans quelle mesure la réorganisation territoriale, concrétisée par une réduction du nombre de régions, la fusion de certains commissariats ainsi que le remaniement de leurs organisation et fonctionnement, a su répondre tant aux objectifs fixés par le législateur à l’époque qu’aux attentes du public et des élus locaux. La proximité, la prévention et la visibilité policière ainsi que leur mise en œuvre sur le plan pratique étaient également envisagées par l’IGP.

Afin de réaliser la présente mission, l’IGP a procédé à une analyse documentaire détaillée ainsi qu’à la réalisation de 45 entretiens tant au niveau de la Police qu’avec des partenaires externes dont des représentants communaux.  

La réorganisation territoriale s’est traduite par une réduction du nombre de régions impliquant des territoires de compétence plus vastes et par ricochet des délais d’intervention parfois plus longs. Cependant, il appert que le réaménagement du territoire n’aurait pas eu de répercussion négative majeure sur le citoyen.          

Les fusions de certains commissariats ont eu un effet favorable sur la disponibilité et l’accessibilité des agents de police. Un bénéfice majeur est que les commissariats à 2 roulements garantissent des heures de fonctionnement étendues de 7 à 21 heures ainsi qu’un accueil du public pendant au moins 2 heures par journée. Les commissariats à 3 roulements offrent des heures de fonctionnement 24 heures sur 24. Les fusions ont également permis de réallouer le personnel libéré aux nouveaux commissariats de police disposant dorénavant d’un effectif plus élevé. Ces gains sont néanmoins partiellement absorbés par des phénomènes récents tels qu’une augmentation de la charge de travail et des tâches à temps partiel dont profitent certains agents de police.    

La présence de personnel du cadre civil assurant l’accueil aux commissariats a également eu ses effets bénéfiques en termes d’accessibilité de la Police. Une extension de leur champ de compétence dans certains domaines permettrait de décharger le personnel policier.   

Les effets de la réorganisation des commissariats n’étaient pas que bénéfiques car la prévention et la visibilité de la Police se sont dégradées depuis. L’effectif insuffisant au moment de la réorganisation territoriale a bien évidemment accentué cet état de chose.

Depuis la réforme de 2018, les policiers des commissariats de police ont eu pour mission d’assurer les interventions d’urgence, d’exécuter le travail administratif en découlant et d’agir de manière préventive au moyen de patrouilles et de contrôles. Or, les missions d’intervention et le travail administratif en résultant occupent une place prédominante au détriment du volet préventif, dont notamment du nombre de patrouilles.

Le recrutement massif en cours devrait permettre d’y remédier, du moins partiellement, en affectant le personnel en fonction de la charge de travail des commissariats et en considération des tâches à temps partiel. Il convient ensuite d’envisager l’approche policière à l’égard des interventions : tant que les agents de terrain seront amenés à intervenir sur chaque incident il n’y aura pas de temps disponible pour mener des actions préventives. L’IGP recommande à la Police d’identifier les cas mineurs appelant des solutions alternatives.

Le déclin de la présence policière sur le terrain se traduit par un nombre de patrouilles pédestres et/ou à vélo préventives en baisse. Pour permettre aux agents de dégager du temps afin d’agir préventivement et d’aller à la rencontre des citoyens, l’IGP recommande d’introduire un système d’entraide entre commissariats voisins au travers d’une coordination régionale.

Les comités de prévention communaux, ayant comme objectifs l’étude des diverses formes de délinquance et de nuisances, l’élaboration d’actions et de mesures adaptées aux réalités locales ainsi que leur suivi, sont perçus comme un bon outil en soi mais certains points faibles sont à déplorer.

Ainsi, l’organisation d’un tel comité incombe à son président-bourgmestre. Or, à défaut de désigner une personne à cette fonction et de convoquer les réunions, cet outil tombe en léthargie. L’IGP préconise d’ancrer le comité de prévention communal ainsi que toutes les modalités relatives à son fonctionnement et à son organisation dans la loi communale.

Les échanges entre la Police et les autorités communales lors des comités de prévention prennent souvent la forme de séances d’information plutôt que de s’atteler à répondre aux objectifs leurs attribués par la loi. En vue de favoriser un échange constructif sur base de ces mêmes attributions et d’envisager conjointement des solutions, l’IGP préconise de préparer diligemment les sujets à aborder lors des réunions. A cette fin, la Police doit déterminer les types d’informations pouvant être transmises aux participants.

Les prescriptions de service de la Police prévoient que la mise en œuvre de la mission de proximité requiert l’élaboration en amont d’un diagnostic de sécurité partagé entre les différents acteurs impliqués sur un même territoire. En pratique, le diagnostic s’apparente à un outil de travail interne à la Police. Il serait dès lors judicieux d’ancrer le document de travail ainsi que les responsabilités y afférentes dans un texte légal.

En vue d’établir le diagnostic, les chefs de commissariat sont censés prendre en compte plusieurs éléments dont notamment le sentiment subjectif de sécurité de la population. Or, certains négligent cet aspect des choses rendant ainsi inopérant cet important outil d’analyse. Afin d’améliorer la qualité des diagnostics de sécurité, l’IGP recommande de proposer une formation aux fonctionnaires impliqués dans son établissement.

À la fin de chaque période de référence et avant l’établissement du prochain diagnostic de sécurité, il appartient aux chefs de commissariat d’évaluer les effets des mesures entreprises au courant de la période précédente. Or, une telle évaluation en bonne et due forme semble faire défaut. L’IGP recommande à cette fin de formaliser par écrit cette démarche.

Enfin, la communication et le partage d’informations sont des éléments centraux à une bonne coopération. En l’occurrence, certains élus locaux regrettent de ne recevoir que sporadiquement des retours sur les actions policières dont ils sont pourtant les demandeurs. À ce titre, l’IGP recommande d’ériger une procédure de communication.

Force est de constater que la réorganisation territoriale n’a pas permis d’atteindre tous les objectifs fixés à l’époque. Les critiques récurrentes concernent le déclin de la présence policière sur le terrain ainsi que celui du volet préventif. À côté de différentes mesures permettant de renforcer le volet préventif, le défi majeur est de pallier le manque de personnel.

L’IGP a présenté les constats ainsi que ses 11 recommandations et 5 préconisations à l’audité lors d’une réunion de clôture. Le rapport d’audit a ensuite été présenté au ministre des Affaires intérieures ainsi qu’aux membres de la Commission des Affaires intérieures en date du 19 juin 2024.

Il revient à la Police d’établir un plan d’action reprenant les mesures qu’elle est disposée à faire siennes.