La procédure de recrutement 2020-2021 de la Police : constats de l’IGP !

Constats faits par l’IGP dans le cadre de son enquête administrative consacrée à la procédure de recrutement organisée en 2021 par la Police grand-ducale pour l’admission au stage des groupes de traitement C1 et B1 du cadre policier.

 

L’IGP a été saisie au courant du mois de décembre 2020 d’une série de 11 réclamations de candidats qui s’étaient inscrits à l’épreuve spéciale de l’examen-concours pour l’admission au stage des groupes de traitement C1 et B1 du cadre policier et qui avaient été informés à l’issue des tests de langues que, suite à un tri effectué sur base des résultats y obtenus, ils ne figuraient pas parmi les candidats qui avaient été retenus pour participer aux étapes suivantes de l’épreuve spéciale et qu’ils seraient informés ultérieurement des suites réservées définitivement à leur candidature. Les réclamants avançaient avoir été indument exclus de l’épreuve spéciale tirant argument des dispositions du règlement grand-ducal du 19 juillet 2020 fixant les conditions et modalités de l’épreuve spéciale en question, aux termes desquelles les tests linguistiques n’étaient pas, et ce contrairement aux tests des étapes suivantes de l’épreuve spéciale, éliminatoires.

L’enquête menée par l’IGP s’est basée sur une analyse exhaustive des données internes de la police, des comptes rendus des deux commissions d’examen et des réunions préparatoires, des courriers échangés dans le contexte de l’épreuve spéciale en question et des déclarations recueillies, entre autres, auprès des présidents, des membres et des secrétaires des commissions d’examen ainsi que des observateurs qui y ont assisté. 19 auditions ont été effectuées en tout. L’enquête, qui a tenu compte du cadre légal et réglementaire en vigueur au moment de ce recrutement, a permis de dresser un certain nombre de constats.

 

Le constat majeur révélé par l’enquête tient au fait que les articles 10 (B1) et 12 (C1) du règlement grand-ducal du 29 juillet 2020 déterminant les modalités de recrutement du personnel policier à l’époque énoncent clairement pour l’accès au groupe de traitement B1 :

Art.10

 (1) L’épreuve spéciale pour l’admission au stage du groupe de traitement B1 du cadre policier comporte :

1°des tests en langue française et en langue allemande ;

2°un test sportif visant à déterminer si le candidat est apte à acquérir une condition physique nécessaire à l’exercice du service policier, tel que prévu à l’article 9, point 3° ;

3°des tests psychologiques et d’aptitude générale qui comprennent une série de tests psychotechniques écrits ou informatisés permettant de vérifier la capacité de raisonnement, l’esprit d’analyse et de synthèse, le travail méthodique et les facteurs d’intelligence des candidats, complétés par des exercices oraux ou entretiens en langue luxembourgeoise.

(2) L’échec à l’un des tests visés au paragraphe 1er, points 2° et 3° est éliminatoire.

(3) Le candidat ayant réussi à l’épreuve spéciale est admis au stage, dans la limite du nombre de postes vacants et en fonction du classement effectué à la suite des tests visés au paragraphe 1er, point 3°, et sous condition d’être titulaire d’un permis de conduire de la catégorie B. Les candidats non-retenus sont mis sur une liste de réserve. En cas de désistement d’un candidat, un candidat se trouvant en rang utile sur la liste de réserve peut être admis au stage.

 

et pour l’accès au groupe de traitement C1:

Art.12

 (1) L’épreuve spéciale pour l’admission au stage du groupe de traitement C1 du cadre policier comporte :

1°des tests en langue française et en langue allemande ;

2°un test sportif visant à déterminer si le candidat est apte à acquérir une condition physique nécessaire à l’exercice du service policier, tel que prévu à l’article 9, point 3° ;

3°des tests psychologiques et d’aptitude générale qui comprennent une série de tests psychotechniques écrits ou informatisés permettant de vérifier la capacité de raisonnement, l’esprit d’analyse et de synthèse, le travail méthodique et les facteurs d’intelligence des candidats, complétés par des exercices oraux ou entretiens en langue luxembourgeoise.

(2) L’échec à l’un des tests visés au paragraphe 1er, points 2° et 3° est éliminatoire.

(3) Le candidat ayant réussi à l’épreuve spéciale est admis au stage, dans la limite du nombre de postes vacants et en fonction du classement effectué à la suite des tests visés au paragraphe 1er, point 3°. Les candidats non-retenus sont mis sur une liste de réserve. En cas de désistement d’un candidat, un candidat se trouvant en rang utile sur la liste de réserve peut être admis au stage.

 

Aussi à défaut d’avoir clairement défini auxdits articles 10 et 12 un quelconque critère de sélection pour les tests de langues et en y précisant que seules les épreuves énoncées aux points 2 et 3 du paragraphe (1) étaient éliminatoires, aucun candidat ne pouvait être évincé à l’issue de la première étape (les tests en langue) de l’épreuve spéciale.

Rendues attentives en pleine procédure de recrutement au fait que les deux dispositions afférentes ne permettaient aucune interprétation, les deux commissions d’examen ont revu leur position initiale, il en résulta qu’en définitif aucun des candidats ne fut lésé et tous furent admis à l’étape suivante de l’épreuve spéciale.

 

Un autre constat important porte sur l’organisation et sur le rôle à jouer par les deux commissions d’examen.  Rappelons que ces commissions d’examen et, plus particulièrement, leurs présidents sont les garants d’une procédure de recrutement objective et impartiale où transparence et équité doivent prévaloir. Il va sans dire que, face au recrutement massif de jeunes policiers pour les prochaines années, ces commissions d’examen devront se donner un cadre rigoureux et organiser leurs réunions et délibérations selon des règles claires, strictes et transparentes pour mener à bien l’exigeante mission qui est la leur.

 

Un autre constat, tout aussi essentiel, mis en exergue par l’enquête menée, concerne le fait d’avoir intégré la procédure OUT/IN de l’article 66, paragraphe 1er de la loi modifiée du 18 juillet 2018 sur la Police grand-ducale dans l’épreuve spéciale régie par le règlement grand-ducal du 29 juillet 2020, ainsi que le fait qu’il n’y soit fait aucune référence.  Une telle approche crée un mélange des genres générant incompréhensions et risques d’iniquité.

En effet, si le règlement grand-ducal précité règle une procédure de recrutement externe proprement dite visant à renforcer l’effectif de la Police, la procédure de l’article 66 précité constitue l’une des trois voies retenues par la loi modifiée du 18 juillet 2018 sur la Police grand-ducale pour permettre au personnel policier déjà en service dans la Police d’accéder, dans le respect des conditions prescrites, à un groupe de traitement supérieur. A cela s’ajoute que la pratique lors des récents examens a, par ailleurs, montré que la mise en œuvre de l’épreuve spéciale dénotait des différences selon que le candidat à ladite épreuve était un candidat « externe » ou un candidat « OUT/IN » et que, malgré ces distinctions et différences, les deux catégories de candidats se trouvaient au final dans un seul et même classement. L’IGP recommande dans ce contexte l’adoption d’un règlement grand-ducal consacré spécifiquement à la procédure de l’article 66 paragraphe 1er de la loi précitée ce qui aura aussi le mérite de la clarté, de l’objectivité et de la transparence de cette procédure.

 

L’IGP a également été amenée à se pencher sur la problématique de l’anonymat. Aux termes du paragraphe (1) de l’article 8 du règlement grand ducale du 29 juillet 2020 en vigueur à l’époque « Le président arrête les mesures utiles pour garder l’anonymat des candidats et assurer le secret des tests et des délibérations. »

 

Le constat s’impose, qu’en fonction de la nature d’une épreuve, l’anonymat peut être difficile mais pas impossible à réaliser, comme il peut aussi ne pas avoir de sens.  Ce qu’il importe de rappeler est que l’anonymat n’est pas une fin en soi.  Son but est d’œuvrer à une sélection impartiale et objective dans le souci d’assurer l’équité entre les candidats.  Ce qui implique l’adoption de critères de choix dépourvus de toute marge d’appréciation.  Il en est ainsi pour le test sportif si les conditions techniques sont réunies. Pour les tests standardisés et informatisés et pour les tests psychologiques et d’aptitude générale également standardisés et informatisés, le risque de subjectivité est exclu mais qu’en est-il de l’entretien en langue luxembourgeoise où une certaine dose de subjectivité n’est pas à exclure ?

 

Cette dernière interrogation nous ramène au rôle essentiel à jouer par les commissions d’examen, qui doivent être les garantes de l’impartialité et de l’objectivité qui doivent imprégnées la procédure de recrutement. Il serait de bon ton d’envisager d’y nommer l’une ou l’autre personne non issue de la Police (fonctionnaire du Ministère de l’Education nationale, etc).  

 

Les différents constats mis en exergue par l’enquête ont été repris, dans l’avis que l’IGP a émis dans le cadre de l’avant-projet de règlement grand-ducal portant modification du règlement grand-ducal du 29 juillet 2020 et ont entretemps trouvé, en grande partie, leur résonance dans le règlement grand-ducal du 4 novembre 2021 portant modification du règlement grand-ducal di 29 juillet 2020 déterminant les modalités de recrutement du personnel policier.

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